Les Arabes : Du sommet d’Amman pour la normalisation avec Assad au sommet d’Aqaba pour la gestion de l’après-Assad
- الدكتور سليم سنديان (Dr. Salim Sendiane)
- 29 déc. 2024
- 4 min de lecture
Les pays arabes ont joué un rôle important dans l’échec des soulèvements populaires qui ont débuté en 2011. Cet article examine leur rôle en Syrie afin de l’évaluer et de comprendre comment y répondre d’une manière qui serve les intérêts des Syriens dans leur transition vers un système pluraliste et démocratique tout en garantissant les intérêts et la stabilité des États arabes.
Première partie : Le sommet d’Amman et la normalisation gratuite avec le régime d’Assad
Le 1er mai 2023, une réunion s’est tenue à Amman, regroupant les ministres des Affaires étrangères du régime syrien, de la Jordanie, de l’Arabie saoudite, de l’Irak et de l’Égypte. L’objectif était de discuter de la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe et de traiter des questions régionales importantes, telles que la lutte contre la contrebande de drogue et le retour des réfugiés syriens, tout en abandonnant clairement les demandes de réformes politiques et l’application de la résolution 2254. Les participants ont adopté une approche « pas à pas », ce qui a permis à Bachar al-Assad de réintégrer la scène diplomatique arabe en participant au sommet de la Ligue arabe à Djeddah le 19 mai 2023. C’était la première participation d’Assad à un sommet arabe depuis plus d’une décennie, après la suspension de la Syrie de la Ligue en 2011. Cette étape a marqué un tournant dans la normalisation des relations entre la Syrie et les pays arabes.
Malgré les concessions, les pays arabes n’ont obtenu aucun gain concret. Les drogues et les gangs de trafiquants ont continué à affluer vers les pays arabes, la situation sécuritaire en Syrie ne s’est pas améliorée, et la présence des milices sectaires soutenues par l’Iran n’a pas diminué. Depuis le début de la révolution syrienne en 2011, les pays arabes ont joué un rôle négatif en soutenant des factions rivales, ce qui a conduit à des conflits internes entre les forces révolutionnaires. Par exemple, dans la Ghouta orientale, des affrontements ont éclaté entre Jaysh al-Islam, soutenu par un État du Golfe, et Faylaq al-Rahman, appuyé par un autre. Cela s’est produit dans un contexte de retrait des rôles américains et européens, accompagné d’une compétition des pays du Golfe pour l’influence en Syrie, au milieu d’une crise plus large du Golfe, marquée par le rappel des ambassadeurs des Émirats, de l’Arabie saoudite et de Bahreïn du Qatar en mars 2014 et culminant avec le blocus imposé au Qatar en juin 2017.
Impact de la normalisation avec Assad sur l’opposition
La normalisation arabe inconditionnelle avec le régime d’Assad a été décevante pour les Syriens, mais elle a eu des effets positifs inattendus. Avec l’arrêt du soutien des pays arabes aux factions armées et leur orientation vers la normalisation, les forces révolutionnaires à Idlib ont pu se consolider, facilitant ainsi une meilleure organisation et prise de décision. Cela a finalement conduit à des succès militaires qui ont précipité la chute du régime le 8 décembre 2024.
Impact de la normalisation sur le régime
La normalisation a renforcé le sentiment de victoire du régime, malgré la perte d’un tiers de son territoire. Ce sentiment l’a poussé à refuser de s’engager dans des négociations sérieuses ou à faire des concessions politiques, alimentant la colère populaire et ravivant les protestations. Avec l’effondrement économique et la détérioration des conditions de vie, des régions comme Soueïda ont vu de vastes manifestations depuis 2023, et des signes de mécontentement sont apparus même dans les zones traditionnellement pro-régime. En fin de compte, le soutien des Arabes au régime a soulagé les factions révolutionnaires, qui sont devenues plus indépendantes, et a accéléré la chute du régime.
Deuxième partie : Le sommet d’Aqaba et la gestion de l’après-Assad
Le sommet d’Aqaba s’est tenu le 14 décembre 2024 à Aqaba, en Jordanie, avec la participation de ministres des Affaires étrangères et de responsables arabes et occidentaux, après la chute d’Assad. L’objectif déclaré était de faciliter une transition pacifique en Syrie conformément à la résolution 2254, en soutenant le processus de transition politique, en formant un gouvernement représentant toutes les factions syriennes, en coordonnant au niveau régional pour assurer la stabilité de la Syrie et éviter le chaos, et en fournissant une aide humanitaire urgente.
Ce sommet s’inscrit dans la continuité des efforts des États arabes pour contrôler le processus politique dans leur propre intérêt, craignant la montée de mouvements politiques démocratiques ou islamiques qui pourraient menacer la stabilité de leurs régimes. Le rôle des États arabes aujourd’hui reflète leur rôle passé, nécessitant une approche équilibrée pour servir les intérêts de toutes les parties.
Conclusion
Réunifier les forces révolutionnaires syriennes exige de faire face aux défis régionaux et internationaux avec réalisme, tout en tenant compte des capacités limitées de la Syrie. Construire une nouvelle Syrie nécessite des efforts sérieux pour convaincre les parties prenantes locales, régionales et internationales que la Syrie future sera un État de droit, pluraliste et stable. Ces efforts contribueront non seulement à mettre fin aux souffrances syriennes, mais aussi à lever les sanctions internationales et à récupérer les fonds gelés, soutenant ainsi la reconstruction.
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